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Société par actions simplifiée

Révocation du président d’une SAS : les moyens de défense

Une affaire récemment soumise à la Cour de cassation est l'occasion de faire le point sur les conditions dans lesquelles le président d'une SAS peut être révoqué.

Révocation d'un président de SAS

Une SAS est détenue à 88,59 % par une autre société. Les statuts de la SAS prévoient que :

- le président peut être révoqué par décision collective des associés ;

- si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts.

Le président de la SAS est révoqué. Cependant, il estime que sa révocation est intervenue en violation des statuts, sans juste motif et dans des conditions vexatoires. En conséquence, il assigne la SAS et son associé majoritaire en paiement de dommages-intérêts. Il fait valoir son préjudice moral, ainsi que sa perte de revenus.

La révocation est-elle fondée sur un juste motif ?

La société mère fait valoir que le président s’est opposé à la politique qu’elle souhaitait voir mise en place. Il aurait ainsi bloqué un projet d'extension immobilière. Il aurait également discrédité les autres membres de la direction auprès du personnel; la société mère fournit d’ailleurs des attestations en ce sens.

Les juges saisis soulignent que la société a eu de bons résultats au cours des 4 ans pendant lesquels la SAS était dirigée par ce président.

Pour autant, la perte de confiance de l’actionnaire principal à l’égard du président était, notent les juges, bien réelle. Par conséquent, même si cette perte de confiance a pu être subjective, elle constitue un motif légitime de révocation.

La Cour de cassation censure la motivation des juges. En effet, pour justifier la révocation du président, la perte de confiance des actionnaires doit être de nature à compromettre l'intérêt social de la société, ce qui n’est pas établi en l’espèce.

En conséquence, la révocation du président ne reposait pas sur un juste motif.

La perte d’un petit revenu peut-elle être indemnisée ?

Le président révoqué avait également saisi la Cour de cassation sur un autre point. Il reprochait aux juges qui s’étaient prononcés sur sa révocation d’avoir considéré qu’il ne pouvait pas invoquer un préjudice financier. Pour arriver à cette conclusion, les juges avaient souligné que le président il avait lui-même indiqué qu'il tirait l'essentiel de ses revenus de ses fonctions de directeur financier (7 525 € bruts mensuels), auxquels ne s'ajoutaient que 1 000 € bruts mensuels au titre de son mandat de président.

Ici encore, le président a obtenu gain de cause devant la Cour de cassation. Somme toute, 1000 €, c’est 1000 €, ce n’est donc pas rien. La perte de cette somme représente bien un préjudice financier.

Si les statuts avaient été rédigés autrement ?

Les fondateurs de cette SAS auraient pu rédiger différemment la clause de révocation du président. Les SAS sont, en effet, libres de choisir les conditions de révocation de leur président.

Les statuts peuvent, par exemple, prévoir que le président est révocable à tout moment. Dans ce cas, le dirigeant ne peut pas réclamer des dommages et intérêts en prétendant avoir été injustement révoqué.

En présence d’une telle clause, il reste toutefois un moyen, pour lui, d’obtenir des dommages et intérêts: il doit démontrer que la révocation a été décidée dans des conditions abusives. Ainsi, des dommages et intérêts peuvent être obtenus lorsque les associés ont porté atteinte à la réputation du président ou lorsque la révocation a été décidée brutalement sans aucune loyauté vis-à-vis du dirigeant (cass. com. 14 mai 2013, n° 11-22845; 25 novembre 2014, n° 13-21460).

Cass. com. 14 novembre 2018, n° 17-11103

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